INTERVIEW RICHARD FRAYSSE CARON, FRANCOIS DEMACHY DIOR, THIERRY WASSER GUERLAIN 25 août 2013

INTERVIEW RICHARD FRAYSSE CARON, FRANCOIS DEMACHY DIOR, THIERRY WASSER GUERLAIN

RICHARD FRAYSSE, Créateur parfumeur de CARON

pour ICONOfly6 LE PARFUM, Journal d’un accessoire

Entrer en parfumerie

Un grand père parfumeur au début du XX siècle (English Lavender de Yardley), un père parfumeur dans les années folles (Arpège de Lanvin)… Petit, mes jeux consistaient à différencier un jasmin d’Italie et un jasmin de Grasse !

Certaines odeurs sont gravées à jamais dans ma mémoire, celle de tous les champs au mois de mai entre Cannes et Grasse, recouverts de roses, de jasmin, d’orangers… et des usines remplies de fleurs sur des dizaines de mètres de haut dans lesquelles je prenais plaisir à plonger ; Je voulais devenir cuisinier, mais mon père insistant, je suis entré dans le métier, et je l’en remercie.

J’ai la chance d’avoir une direction qui me laisse toute la liberté dans la sélection de mes matières premières. Il est évident qu’avec une maison comme CARON qui existe depuis 1904, il y a un devoir de mémoire et de respect.

Ceci n’empêche pas la créativité et la modernité. Et les rencontres… comme celles avec ces Australiens, dont j’utilise le santal issu de plantations à développement durable, programmées sur plus de 50 as afin de pérenniser l’espèce.

Le rêve suprême aujourd’hui serait de créer un parfum qui plairait à toute l’humanité. La création d’une fragrance quelle qu’elle soit est faite pour surprendre, elle doit être magique pour susciter au premier coup de nez un véritable choc.

Un grand parfum a toujours une belle histoire, une vraie histoire de désir…

Mais penser qu’un parfum n’est qu’une suite plus ou moins harmonieuse n’est pas vrai. La parfumerie est en fait un équilibre instable entre un cote intuitif, esthétique… et un cote beaucoup plus cartésien et technique. On navigue sur la frontière, on a besoin des deux.

On ne peut s’empêcher de sentir. Quand c’est très intéressant, cela vous attrape…

II y a des notes qui s’appellent, qui se répondent. Résonance, Alchimie… ce sont des jolis mots pour les parfums.

La parfumerie existe depuis des milliers d’années et on s’aperçoit que quasiment tout a été a peu près fait avec les moyens de l’époque. Nous sommes héritiers de ce savoir-faire.

On reçoit d’autant plus quand on est

parfumeur dans une maison. Et on essaie de faire vivre cet héritage pour pouvoir le transmettre.

C’est un devoir de respecter les parfums, les produits qui les composent, les gens qui fabriquent ces produits et les personnes qui les portent. Le plus important est de conserver la qualité des matières premières. C’est au parfumeur d’imposer cela.

 

THIERRY WASSER, Parfumeur de GUERLAIN

 

J’aime raconter une histoire, y mettre mon cœur et mon âme.

Je voyage énormément pour l’achat de matières premières naturelles, le vétiver en Inde, la rose en Iran mais aussi en Bulgarie, la vanille à Tahiti, à Madagascar ou au Mexique… ces voyages et les personnes que j’y rencontre sont autant d’inspirations, d’émotions qui finissent par me transporter.

Le flacon et le parfum doivent ensuite en écho correspondre. C’est un exercice magnifique qui demande de la poésie, de la matière et de l’humour. Avant Robert Granai, il y a eu Raymond Guerlain, le cousin de Jacques, puis Serge Mansau avec Insolence, Ora Ito avec Idylle et plus récemment Jade Jagger avec Shalimar.

Le fondateur de Guerlain, Pierre-François Pascal en 1828 a une phrase célèbre : « Faites de bons produits, ne cédez jamais sur la qualité. Pour le reste, ayez des idées simples et appliquez-les scrupuleusement. ». Je me souviens de cette citation car la fabrication m’intéresse et m’interpelle, autant que les achats de matières premières, c’est la seule et unique façon de garantir cette qualité qui existe depuis 183 ans chez nous.

Paradoxalement, la chimie ne se substitue pas à la nature mais permet d’exprimer des facettes dans des parfums qui sont uniques et qui donnent Justement l’ouverture sur un monde onirique qui est celui de l’abstraction.

Il faut vivre avec son temps et tous mes prédécesseurs chez Guerlain vivaient avec le leur car c’était des inventeurs.