Pourquoi êtes-vous devenue créatrice de mode? Isabelle Marant, Diane von Furstenberg, Iris Van Herpen, Anne Valerie Hash répondent 29 avril 2013
Pourquoi êtes-vous devenue créatrice de mode? Isabelle Marant, Diane von Furstenberg, Iris Van Herpen, Anne Valerie Hash répondent dans le Figaro
Nabil Hayari, créateur de mode, est inspiré par la femme. Dès son plus jeune age, il imagine déjà sur les bancs de l’école des modèles fabuleux. Ses muses sont Nicole Kidmann, Sarah Jessica Parker ou la Princesse Grace de Monaco. L’élégance se perçoit lorsque la femme se sent belle dans ses créations. Et les crétrices de mode, que répondent-elles aux questions de Madame Figaro?
Elles créent des vêtements pour les femmes et imposent leur vision forte de la féminité. Inspirées, elles nous présentent celles qui les inspirent. Affinités électives en mode libre…
Isabel Marant et Aurélie Dupont
Isabel Marant
Madame Figaro. – Pourquoi êtes-vous devenue créatrice de mode ?
Je n’imaginais pas le devenir. J’étais un vrai garçon manqué, mais je savais exactement ce que j’avais envie de porter. Je transformais les vieux vêtements de mes parents, puis ces derniers m’ont offert une machine à coudre pour aller plus vite.
Présentez-nous votre muse…
J’adore Aurélie, que j’ai rencontrée il y a quelques années. Elle a un côté androgyne, et surtout du caractère et de la force. Tout le contraire d’une femme objet ou d’une potiche – genre que je déteste.
Votre vision de la femme 2013 ?
Une femme qui se bat sur tous les fronts : carrière, famille, vie perso. Car même si les hommes sont plus aidants qu’autrefois, ce n’est pas encore une évidence pour eux.
Être une femme et créer pour des femmes, cela influence-t-il vos créations ?
J’ai une approche pragmatique et réaliste. Je sais ce que ressent une femme quand elle essaie un vêtement. D’ailleurs, j’essaie tous mes modèles, je regarde si les coutures sont bien placées, si la matière est agréable…
Comment conciliez-vous votre vie de femme et le rythme trépidant de la mode ?
Je suis super organisée. Mon planning est réglé au millimètre près, rien n’est laissé au hasard.
Quelles femmes vous inspirent ?
Toute la famille Gainsbourg-Birkin : Jane, Charlotte et Serge, qui avait aussi sa part de féminité. J’aime aussi Simone de Beauvoir ou Françoise Sagan.
Votre définition de l’élégance ?
Se respecter. Éviter de vouloir être mode à tout prix, garder son propre style.
Vos inspirations pour la collection printemps-été 2013 ?
Des images de vahinés à Hawaii dans les années 1940, et comme j’avais aussi envie de cuir blanc et de strass, j’ai collé Elvis Presley à côté d’elles !
Aurélie Dupont (1)
Qu’appréciez-vous chez Isabel Marant ?
C’est une fille ultra-normale, réaliste, lucide, qui a su rester simple malgré son succès. Quand j’essaie un de ses modèles, je succombe. C’est une visionnaire qui annonce les tendances et les couleurs avant les autres.
Diane von Furstenberg et Elettra Wiedemann
Diane von Furstenberg
Madame Figaro – Pourquoi êtes-vous devenue créatrice de mode ?
Plus jeune, je savais quel genre de femme je voulais être : indépendante. J’ai commencé à travailler à Paris comme assistante d’un photographe. Le monde de la mode m’a fascinée. Ensuite, apprentie dans une usine de textile en Italie, j’ai tout appris de la fabrication et des couleurs. De retour aux États-Unis, j’ai commencé à créer mes robes, dont la robe portefeuille, qui est devenue un symbole de liberté et d’indépendance. La boucle était bouclée.
Présentez-nous votre muse…
Créatrice, mannequin, DJ… : Elettra additionne les talents. C’est une femme belle, intelligente, forte et surtout sincère, une qualité qui m’inspire par-dessus tout.
Votre vision de la femme 2013 ?
Ce n’est pas une vision idéale. Je pense que la beauté n’existe pas sans imperfections. J’aime les femmes fortes, qui se connaissent bien et qui n’ont pas peur de prendre des risques. J’aime aussi celles qui apprécient la vie et ne prennent pas tout au sérieux.
Être une femme et créer pour des femmes, cela influence-t-il vos créations ?
Tout le sens de mon travail est de donner aux femmes confiance en elles. Je crée des vêtements qui doivent leur offrir la sensation qu’elles sont la meilleure version d’elles-mêmes.
Comment conciliez-vous votre vie de femme et le rythme trépidant de la mode ?
Je suis chanceuse parce que j’ai aussi bien réussi ma vie de famille que ma vie professionnelle. Et les deux sont également importantes pour moi.
Quelles femmes vous inspirent ?
Ma mère a été un modèle pour moi. Survivante de l’Holocauste, elle était si frêle que, quand elle s’est mariée, le médecin lui a dit qu’elle ne pourrait pas avoir d’enfant. Ma naissance a vraiment été un miracle. Ma mère m’a appris que la peur n’est pas une option, cela m’a aidée à prendre des risques dans ma carrière et à ne pas craindre l’échec.
Votre définition de l’élégance ?
Tout est une question d’attitude et de confiance en soi.
Vos inspirations pour la collection printemps-été 2013 ?
Cette collection s’appelle Palazzo et s’inspire de mes jeunes années de princesse jet-set. J’ai pensé à une gipsy à l’esprit libre, qui se balade, comme dans un rêve, de la Méditerranée à Rome, du Maroc à Jaipur. Il y a beaucoup de détails embellissants sur les pièces, ainsi que des imprimés et des couleurs fortes : bleu, corail, vert menthe.
Elettra Wiedemann (2)
Qu’appréciez-vous chez Diane von Furstenberg ?
Il y a tellement de choses en elle que j’admire, que j’apprécie et que je respecte. C’est une femme incroyable qui a créé un empire de la mode fondé sur l’idée d’encourager les femmes à respecter leur propre personnalité. C’est une femme ambitieuse, successful, qui est intelligente, honnête, attentionnée, drôle et généreuse. Toutes ces qualités sont réunies dans la femme DVF.
(2) Mannequin, cofondatrice de l’ONG One Frickin Day.
Bouchra Jarrar et Alexandra Golovanoff
Madame Figaro – Pourquoi êtes-vous devenue créatrice de mode ?
À 17 ans, je suis tombée sur un défilé d’Yves Saint Laurent à la télévision. Magique ! J’ai pris conscience que ce que j’aimais depuis l’enfance pouvait s’intégrer dans un monde réel.
Présentez-nous votre muse…
Alexandra est une évidence. Au-delà de sa beauté naturelle, elle n’est pas dans la représentation mais dans l’accomplissement et l’épanouissement.
Votre vision de la femme 2013 ?
Une femme active, dynamique, mais surtout qui se réalise dans ce qu’elle fait, ce qui inclut les mères au foyer.
Être une femme et créer pour des femmes, cela influence-t-il vos créations ?
Je suis une technicienne qui accompagne les femmes dans un souci d’optimiser leur silhouette. Je fais aussi bien attention à la taille 36 qu’à la taille 44. Être une femme me guide dans la recherche du confort, et je suis très attachée aux coupes et aux matières.
Comment conciliez-vous votre vie de femme et le rythme trépidant de la mode ?
Je suis extrêmement organisée car je déteste être noyée. Mais j’adore mon quotidien. J’ai épousé mon métier.
Quelles femmes vous inspirent ?
Simone de Beauvoir, Jeanne Moreau et surtout Françoise Sagan, pour sa liberté, son œuvre, sa transgression assumée.
Votre définition de l’élégance ?
Avoir de l’esprit et de la dignité.
Alexandra Golovanoff et Bouchra Jarrar.Photo Myriam Roehri
Vos inspirations pour la collection printemps-été 2013 ?
J’ai eu envie de maintenir le buste pour donner de la hauteur par un travail de mouvement de ceinture qui enlace le corps comme un geste amoureux. Les couleurs vives aussi m’ont guidée. Associées à du noir ou du beige, elles apportent beaucoup de lumière.
Alexandra Golovanoff (3)
Qu’appréciez-vous chez Bouchra Jarrar ?
J’aime sa différence, son indépendance, son côté absolu et radical. Ses pièces ne sont jamais anecdotiques mais s’inscrivent dans l’intemporalité. Il y a chez elle un désir de recherche et de perfection qui fait que ses vêtements ont toujours un tombé parfait.
(3) La journaliste anime « Paris Première Style » les samedis et dimanches matins sur Paris Première.
Iris Van Herpen et Grimes
Madame Figaro – Pourquoi êtes-vous devenue créatrice de mode ?
Je n’ai jamais pris la décision de devenir créatrice. C’est venu petit à petit. Je crois en la destinée.
Présentez-nous votre muse…
La chanteuse Grimes, une artiste drôle, impulsive, forte. Sur scène, elle est capable de provoquer une tornade face à une salle comble. Elle ne copie personne. J’aime aussi la façon dont cette ex-danseuse bouge son corps.
Votre vision de la femme 2013 ?
La perfection n’existe pas. J’aime les détails peu communs, les personnalités inattendues ou les fêlures. Il n’y a jamais eu de femme parfaite sur cette planète, et c’est une bonne chose.
Être une femme et créer pour des femmes, cela influence-t-il vos créations ?
La féminité m’inspire. Je suis aussi très sensible aux belles proportions et à certaines façons de se mouvoir. C’est pour cela que j’aime tant la danse. J’essaie de créer une nouvelle silhouette de femme. Plus je travaille sur le corps, plus j’entrevois des possibilités diverses qui me fascinent.
Comment conciliez-vous votre vie de femme et le rythme trépidant de la mode ?
Mes journées sont longues et parfois très agitées, avec beaucoup de joie aussi. J’essaie de vivre l’instant présent et de ne pas être effrayée par le temps qui passe trop vite.
Quelles femmes vous inspirent ?
Björk, elle est unique, je n’ai jamais rencontré quelqu’un de comparable. Tilda Swinton, pour son intelligence et sa sensibilité. Et la chorégraphe Nanine Linning, pour la façon dont elle joue avec ses danseurs et son corps ; elle est capable de contrôler le corps des autres si précisément, c’est fascinant.
Iris Van Herpen et, en arrière-plan, Grimes.Photo Rachel Nieborg
Votre définition de l’élégance ?
L’intelligence, l’humour, l’énergie, le mystère…
Vos inspirations pour la collection printemps-été 2013 ?
Ma collection Voltage évoque toute cette énergie que les humains portent en eux et qu’ils ne parviennent pas à libérer. J’ai voulu exprimer à travers mes vêtements cette tension emprisonnée, sur le point d’exploser. Le travail des scientifiques ou des ingénieurs comme Carlos Van Camp m’a inspiré. J’ai collaboré avec ce dernier et trois architectes : Neri Oxman, Philip Beesley et Julia Koerner.
Grimes (4)
Qu’appréciez-vous chez Iris Van Herpen ?
Ce que j’aime chez elle, c’est qu’elle amène le métier de créatrice très loin. C’est une chose d’être doué pour ce que l’on fait, c’en est une autre d’innover constamment comme elle le fait.
(4) La chanteuse vient de sortir son dernier album, Visions (4AD/Naïve).
Anne Valérie Hash et Joséphine de La Baume
Madame Figaro. – Pourquoi êtes-vous devenue créatrice de mode ?
Par passion, sans me poser de question.
Présentez-nous votre muse…
Joséphine est une femme moderne, légère, solaire. Elle a un esprit lumineux et iridescent qui s’accorde avec l’esprit de mes vêtements. J’aime sa musique, son humour et son énergie positive.
Votre vision de la femme 2013 ?
Une femme douce et énergique, qui bouge et qui sait ce qu’elle veut.
Être une femme et créer pour des femmes, cela influence-t-il vos créations ?
Je ne fantasme pas sur la femme comme certains créateurs. Je crée pour les filles contrariées ou heureuses, espiègles ou boudeuses, rieuses ou jalouses, sexy ou rêveuses. Je sais combien chaque moment dans la vie d’une femme peut changer, et cela guide aussi mes créations car je la comprends de l’intérieur. Elle n’est pas pour moi juste une figurine de mode.
Comment conciliez-vous votre vie de femme et le rythme trépidant de la mode ?
J’aime ma famille et j’adore mon travail, mais concilier les deux est difficile. Il est impératif d’avoir une bonne organisation à la maison et au bureau, avec des personnes de confiance. Heureusement, j’ai une mère formidable qui m’aide énormément.
Quelles femmes vous inspirent ?
Les grandes avocates ou femmes médecins qui arrivent à mener leur carrière de front avec leur vie privée. Et toutes les femmes qui ont donné la vie… à des enfants ou à des projets.
Anne Valérie Hash et Joséphine de La Baume.Photo Myriam Roehri
Votre définition de l’élégance ?
C’est un exercice d’équilibre.
Vos inspirations pour la collection printemps-été 2013 ?
Ma collection s’appelle Electric Nude, avec pour référents la lumière, la peau, l’électricité, la transparence de l’eau, l’apesanteur. Les femmes sont comme des sirènes imaginaires, avec des vêtements structurés et proches du corps.
Joséphine de La Baume, chanteuse (5)
Qu’appréciez-vous chez Anne Valérie Hash ?
Elle raconte un conte moderne avec des couleurs de rêve. En même temps, sa silhouette est toujours graphique, jamais mièvre, avec un côté androgyne que j’affectionne particulièrement. Elle-même est une fée, intelligente et ambivalente, douce et forte, généreuse et ambitieuse.
(5) Actrice, mannequin et chanteuse. In Wonder est le premier album du groupe Singtank, qu’elle a monté avec son frère.